Les nouveaux bâtisseurs de cathédrales

A propos des 3èmes Rencontres de la société française en réseau
Autrans 1999
(7-9 janvier)

250 internautes, environ, se sont réunis dans la montagne au-dessus de Grenoble pour les troisièmes Rencontres de la société française en réseau, du 7 au 9 janvier 1999. Autrans 1999, organisé par l'Isoc France, rassemblait beaucoup de Français, quelques Québécois, quelques Américains directeurs de l'Isoc, quelques représentants de la Communauté européenne, un responsable de l'Isoc Catalogne et une responsable de l'Isoc Wallonie.

Deux aspects fondamentaux ont été étudiés par l'assemblée : l'évolution des technologies liées à l'internet et les valeurs à préserver pour la société de l'information.

1. Internet et technologies nouvelles

La technologie continue à se développer dans tous les domaines liés à l'internet, même si ses applications ne seront accessibles au grand public que dans quelques années :

a. les fibres optiques décupleront la production et le trafic des données;
b. la téléphonie sera intégrée par le câble, la voix étant transmise par "paquets" : cette nouvelle technologie sans centrale téléphonique coûtera au moins trois fois moins cher qu'actuellement;
c. des réseaux mobiles seront créés pour les voitures;
d. la télévision, "distraction passive", sera remplacée par l'audio-vidéo interactive sur internet;
e. l'une des projections envisage que seules subsisteront, vers 2010-2020, quelques 500 agglomérations mondiales, 100 à 150 entreprises gigantesques pour le monde entier, organisant une vie collective pour l'humanité;
f. la bataille du commerce électronique est déjà gagnée techniquement, mais il faudra du temps pour généraliser cette pratique sur le plan psychologique;
g. la protection de la vie privée – vécue différemment en Europe ou aux Etats-Unis – risque à s'estomper ou de disparaître ; il n'y aura plus de secrets…
h. la sécurité sur le plan bancaire, notamment, est en progrès avec le développement de "clés" tirées au sort au début de chaque session client, la clé individuelle permettant l'identification de l'interlocuteur;
i. cependant, les clés utilisées pour l'instant, les "clés" de 56 bits" sont déjà "cassées", ce qui confirme que tous les procédés de cryptage seront toujours la proie des décodeurs.

Le champ d'invention de nouvelles applications est extraordinaire? Une révolution technologique est en cours : il faut investir avant qu'elle ne nous échappe.

L'Isoc France a entrepris la constitution d'une banque de données sur base d'études des "cas à succès", dans le domaine des "start-up" et nouvelles entreprises, pour créer un observatoire des usages de l'internet. L'un des objectifs sera de découvrir "comment on va plus vite dans une direction que l'on ne connaît pas"… Un autre sera de réunir des "mondes différents – électronique, physique, associatif, institutionnel – afin de construire sur internet un "portail" économique français.

L'internet citoyen n'est pas encore suffisamment concret. Il faut créer la visibilité pour les associations en préservant leur indépendance. Pour développer la confiance en cette technologie d'avenir, il faut instaurer des lieux de formation spécifiques, des outils généralisés, ce qui est appelé le "portail" associatif.

Les décideurs devront suivre, en favorisant la création des infrastructures adéquates, la spécification des usages. De nouveaux emplois sont à inventer, de nouveaux services redessineront la société avec, comme points forts, l'éducation, l'environnement, la défense des plus démunis dans le cyberespace.

2. Les valeurs de la société de l'information

La société de l'information doit inclure l'humanité et maintenir la transparence du réseau. Ses choix doivent être conformes à ses valeurs, solidaires, démocratiques sur le plan mondial.

La culture ne vaut que si elle est partagée. Les critères de la République naissante étaient l'école primaire obligatoire et l'affichage légal accessible à tous, afin de permettre l'exercice de la citoyenneté. Le processus doit être le même pour l'internet du XXIème siècle. Les responsables politiques ont le devoir de suivre ce que le réseau dicte, car c'est un réseau de relations humaines.

Nous devons inventer nos propres usages et la manières dont nous voulons utiliser l'internet :

a. offrir de prix forfaitaires accessibles au plus grand nombre et suppression des tarifications horaires pour les connexions au réseau;
b. rendre possible l'accès à tous les citoyens partout sur le territoire;
c. faciliter l'utilisation des programmes avec vocabulaire accessible et expliqué;
d. investir dans un matériel davantage performant et adapté aux développements des techniques;
e. doter l'outil internet de sens, en fonction des époques, des pays, des cultures, des objectifs;
f. multiplier les expertises pour obtenir des projets cohérents;
g. organiser l'information et ses clés de consultation;
h. produire des contenus, des styles au service de l'outil multimédia, généraliser un design spécifique à la culture virtuelle;
i. favoriser l'"exception culturelle" adaptée à cet outil, alliant l'image de nous-mêmes et les éléments qui nous dépassent dans l'inconnu du cyberespace;
j. protéger la propriété intellectuelle et les droits d'auteurs, notamment dans la recherche et l'enseignement.

L'importance de l'éducation des futurs citoyens en rapport avec l'internet est fondamentale. L'internet se professionnalise, l'enseignement à distance est un outil d'avenir (cfr Le désir de France, La présence internationale de la France et la francophonie dans la société de l'information, Rapport du Député Patrick Bloche au Premier ministre, 7 décembre 1998).

L'internet éducatif doit se structurer en parallèle avec les nouvelles formations et les nouveaux métiers qui assureront son développement. L'internet doit s'adapter à la vision de la nouvelle génération parce qu'il n'a pas été construit, à l'origine, pour assumer techniquement le succès mondial qu'il connaît déjà. L'"Internet2" se prépare déjà, avec une plus grande puissance, pour la société de l'information "live", en direct et interactive.

Cette nouvelle culture doit intégrer les caractéristiques et les mentalités de chaque pays ou société. Elle doit réaliser la démocratie sur l'internet selon des principes équitables et opérationnels permettant de partager les ressources. Elle doit organiser une autorégulation efficace issue de la base et des organisations non gouvernementales, afin que les Etats n'aient pas à s'occuper de ce domaine. Il est indispensable de s'accommoder à un monde équilibrant le rôle de l'Etat et le rôle de la nouvelle citoyenneté des internautes. L'autorégulation doit être anticipée, il faut prévoir l'équilibre entre, d'une part, le temps législatif et le temps des traditions et, d'autre part, le temps virtuel des échanges en temps réel.

Les règles doivent en être définies en fonction des spécificités des collectivités. La structure démocratique doit être appliquée également à ces organismes de gestion de l'internet, en identifiant les citoyens de l'internet et les modes de suffrage ou de publication des règles à appliquer.

Sur le plan même de la protection de l'individu face à la violation de l'intégrité morale – des adultes ou des enfants – l'éducation sera le dernier recours préventif. Aux Etats-Unis, face à la déficience des "filtres" protecteurs, des cours sont donnés aux enfants dès 5 ans, afin de les avertir de ce qu'ils pourraient voir et de les inciter à s'auto protéger.

L'Europe doit adopter sa bureaucratie à la société de l'information dont les responsables ont mesuré l'importance. L'espace français n'est plus pertinent sur ce plan, désormais la référence, pour nous, est l'espace européen. Nous devons définir nos objectifs et parvenir à les défendre à ce niveau. La réflexion et les prises de position fortes doivent se structurer sur le plan local mais s'affirmer sur le plan international.

Une attention particulière doit être accordée à l'attribution des noms de domaines "nationaux". La situation de monopole qui prévaut ne peut continuer que si l'ouverture est concrétisée de la part de ces organismes. Ainsi, l'Afnic propose de nous associer à ses travaux et souhaite que la gestion des DNS soit associée à une charte. NOus répondons immédiatement au questionnaire diffusé en ligne par l'Afnic, qui invite le chapitre Wallonie de l'Isoc à s'inscrire en son sein dans le cadre francophone.

L'internet français et francophone n'est pas oublié dans ces travaux. Nous devons continuer à améliorer tant les structures et le contenu du réseau francophone que la motivation et la capacité d'accès de tous les habitants de la francophonie. L'Isoc Wallonie affirme ainsi sa présence, sa volonté de travail et son souhait de collaboration à la société virtuelle, outil de la culture française.

La formation du chapitre Wallonie de l'Isoc est saluée par les représentants directeurs de l'Isoc, par nos amis québécois et par de nombreux internautes avec lesquels le contact sera confirmé sans délai.

Une session particulière est consacrée à l'Internet Fiesta, qui se déroulera sur le plan européen du 19 au 21 mars 1999, avec, parmi ses objectifs, celui de sensibiliser à l'internet un maximum de personnes qui ne connaissent pas encore cette technologie. Un appel pressant est lancé à tous les projets locaux, qui seront annoncés et référencés sur le site général.

Marie-Anne Delahaut
09.01.99.