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Premières Rencontres de l'Isoc Wallonie, Namur, 17 juin 2000

Langues et cultures de l’Internet
Synthèse

Richard Delmas
Commission européenne, DG Société de l'information,
Responsable du Partenariat des Technologies de l'Information et de la Communication,
en charge du dossier de la gouvernance de l'internet
Richard.DELMAS@cec.eu.in - http://www.ispo.cec.be/

La langue est l’expression d’une identité et d’une culture. Elle forme une trame continue qui relie nos activités, notre vie. En liminaire, nous considérons que si l’Internet est bien le support d’une infrastructure technique, il est aussi vecteur de la pensée et de l’intériorité à travers des écrits, des sons et des images. Par sa puissance de commutation à l’échelle mondiale, il permet l’émergence d’un monde commun. Mais c’est avec regret que nous constatons que notre représentation du monde et notre volonté d’aller vers une société plus juste, plus solidaire, sont aujourd’hui portées par un réseau le plus souvent monolingue, anglophone. Internet présente une image déformée des cultures et des langues du monde. Il induit des contraintes d’usage de nature à limiter les droits fondamentaux de chacun, en particulier ceux liés à la liberté d’information et de communication. Ainsi, pour un accès au plus grand nombre, et, dans le respect de la diversité des formes et des idées, une métamorphose des signes et des langues de l’Internet est aujourd’hui nécessaire. Nous en appelons donc à une transition, à un nouveau moment dans l’évolution de l’Internet.

Philippe Destatte met l’accent sur les croisements et les heurts inévitables entre l’usage commun des mots, les jeux de language, et les modes techniques d’expression. En réalité, une grammaire de l’Internet mondial est à inventer, nourrie par la richesse des apports des langues du monde. Loin de toute académie, et, comme une chance de survie du language pluriel des hommes menacé par la globalité de la science et du marché.

Le colloque de l'ISOC Wallonie affirme que dans le foisonnement sémantique et graphique d’Internet, la langue française, à coté de l’apport d’autres idiomes, doit résolument apporter sa dimension de clarté et de précision cursive. Un appel à l’esprit des lumières pour l’expression d’un volonté d’autonomie, d’affranchissement des limitations actuelles de la toile.

Ulrich Briefs nous invite à appréhender la dialectique de l’infrastructure comme soubassement de l’espace politique. A travers l’histoire, cités et territoires, mais aussi invasions et dominations des peuples, se sont modelés à partir des voies d’échanges. Aujourd’hui, les médias et l’artifice du virtuel structurent nos paysages mentaux. Dans ce processus de soumission, Internet est la figure de la synchronisation globale qui suscite, comme le dit Peter Sloterdijk " une routine de l’expansion...qui produit des globes ". Un moteur de la croissance et des affrontements entre empires économiques et politiques. Il y a néanmoins des fissures dans cette représentation globale. Comme le dit Jean Marie Crouzatier la grande majorité des Etats qui composent l’actuelle société internationale n’ont pas quarante ans d’âge, et n’existaient pas au moment de l’adoption de la déclaration universelle des droits de l’homme en 1948. Leur population sont déjà les utilisateurs majoritaires d’Internet. Sommes nous, à travers Internet, destinés à promouvoir la rhétorique des codes techniques et l’alignement sur la forme libérale de la démocratie, comme l’affirme le juriste américain Lawrence Lessig ?

L’Europe est la patrie des langues multiples. Patrice Husson relève notre volonté d’unir la diversité à la richesse d’un patrimoine culturel et scientifique incomparable. Les avancées technologiques peuvent nous y aider, soutenues par des programmes publics de recherche et développement ou culturels. La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne est un engagement à ouvrir l’espace de l’information à plus de dignité et de responsabilité. Plusieurs principes ont un rapport avec l’accès et l’usage des infrastructures d’information comme Internet : - Article 8 Protection des données à caractère personnel - Liberté de pensée, de conscience et de religion, d’expression et d’information - Article 34 Accès aux services d’intérêt économique général - Article 36 Protection des consommateurs.

 C’est à un droit d’inventaire que Kim Veltman nous convie. Après une décennie d’Internet nous sommes toujours contraint par une multiplicité de règles et de formats, un chaos de nomenclatures et de catalogages, précisément anglo-saxons. Le site " Francité " représente un espoir pour élargir l’espace culturel francophone. Mais surtout, une cohérence dans la recherche et la lecture de l’Internet est à concevoir et à bâtir entre nous tous. C’est à Bruxelles que Paul Otlet a jeté les bases d’une coopération internationale pour une classification universelle, le Mundaneum, encore l’une des plus répandues, notamment pour les bibliothèques publiques. L’ordonnancement des données est à réaliser sur la base d’une interopérabilité des contenus et des systèmes. Comment réaliser un consensus sur une approche normative de l’Internet, soucieuse de pragmatisme, mais aussi garante de la mémoire et de la densité des savoirs des hommes ?

Pour conclure, il faut souligner la prégnance de l’Internet sur la dénomination des sujets et des objets du monde. Notre identité, notre nom et notre image, nous appartiennent. Ce sont bien les attributs propres de la personne, garants de ses droits et libertés, et non de simples marques libres d’échanges et d’enrichissement. Le pouvoir de nommer doit être juste et partagé.

 

Au nom de l’ISOC Wallonie, nous proposons un corps de résolutions relatifs à l’accès et à l’usage de l’Internet. Elles sont destinées à être mise en oeuvre par des actions concertées des chapitres de l’ISOC, des industries et associations concernées, des pouvoirs publics à l’échelon local, régional et national et par la communauté internationale.

 

  1. Assurer que l’Internet soit un bien commun et un espace de civilité au service de l’intérêt général, soucieux des principes de liberté, de solidarité, de dignité et de responsabilité.
  2. Permettre à chacun d’affirmer son identité sur la scène de l’Internet, par le respect des principes de ressource publique et de service d’intérêt général de l’espace de nommage et d’adressage et de la nomenclature d’accès et de recherche.
  3. Réaliser un Internet multilingue et multiculturel au moyen des outils technologiques appropriés.
  4. Rechercher un principe d’identification et de correspondance entre contenus, sons, images et textes, sur une base logique, multilingue et facilement utilisable, dans le respect de la diversité et de la mémoire des activités humaines
  5. Permettre une représentation équilibrée et représentative, tant au plan géographique que de celui des activités humaines, au sein des organes de direction et de gestion de l’Internet.

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Page mise à jour le mardi 07 novembre 2000